CULTURE  >>> DEGEMER >>>HOME PAGE >>> ACCUEIL

Des techniques qui se modifient
Le démantèlement de l'industrie de l'ardoise, l'émigration
  - BD J-M Charruault
Religion, croyances
  - Sainte Barbe
  - cantique 1
  - cantique 2
Le renouveau de l'industrie ardoisière
Des techniques qui se modifient

Il existe un lien entre la culture et les techniques qui  s'y développent. Regardez ces trois images. On voit que les fendeurs français ont, de tout temps, travaillé en serrant la pierre entre leurs jambes. En Bretagne, il semble que la technique ait été proche de celle du Pays de Galles. Les ouvriers travaillaient assis. Est-ce que tous le faisaient autrefois ?

fendeur en 1561 à Angers, gravure d'Hofnaglius (détail)

 

fendeurs travaillant assis à Malansac au début du XXe siècle

 

fendeur du Pays de Galles

 

A Angers (France) 
en 1561

 

A Malansac au début 
du XXe siècle 

(photo Dastum)

 

A Blaenau 
Ffestiniog au
Pays de Galles

Au Pays de Galles cette technique a perduré comme ensuite aux Etats-Unis, dans le Vermont. Il ne serait pas étonnant que cette façon de faire ait été modifiée sous l'influence française. On prétend que les Bretons auraient appris des Français à mieux travailler à partir de 1811. Il faudrait étudier cela de plus près.

Le démantèlement de l'industrie de l'ardoise, l'émigration

An avel c'hoañv a c'hwezhe en draonienn skarnilet. Kildreiñ a rae en ur voudal e kevioù ar mengleuzioù dilabour, hag ur wech an amzer, e trouze du-mañ du-hont, e-tal an toulloù, atredoù o tisac'hañ.

(diwar Anna Tregidi
Jakez Riou
Geotenn ar Werc'hez)

Le vent d'hiver soufflait dans la vallée désséchée. Il tournoyait en grondant dans les creux des carrières désaffectées, et de temps en temps,  bruissaient ici ou là, près des fonds,  des éboulements de déchets.

Oui, les ardoisières abandonnées étaient vides, dans les environs de Châteaulin, quand Jakez Riou écrivait ces lignes. Voici encore un terrain d'enquête possible. On prétend que les gisements étaient épuisés mais j'ai entendu dire récemment à la radio qu'elles avaient été achetées et fermées par ceux qui avaient de l'argent et le pouvoir de le faire. Je sais que cela a été fait pour d'autres ardoisières ailleurs. C'est la dure loi du commerce. Il est peut-être vrai qu'elles n'étaient pas rentables non plus...

À partir de 1860 les ardoisiers ont commencé à quitter leur pays pour aller à Angers mieux gagner leur vie. Mais il ne trouvaient là-bas, au lieu de la pauvreté qu'ils avaient fuie, que la misère.

 
Amañ e teil ar gêr vras e kreska bleuñv ar boan,
Poanioù ar paour divroet, debro 'rant ma spered:
Ma c'halon a zo du-se àr dreuz an ti karet
'Lec'h ma huñvreer e peoc'h 'tal an nor goude koan

Amañ àr an eneoù un avel yen a hud,
Pep unan 'ra evitañ, ne sella den get den :
Ma c'halon a zo e bro an truezioù kristen,
Ma c'halon a zo du-se e-mesk re tomm ma zud.

( Ma c'halon a zo e Breizh-Izel
Yann-Bêr Kalloc'h
Ar an daoulin...)

Ici dans le fumier de la grande ville croissent les fleurs de la peine
Les peines du pauvre exilé, elles dévorent mon esprit :
Mon  cœur est là-bas sur le seuil de la maison aimée
Où on rêve en paix devant la porte après souper

Ici sur les âmes souffle un vent froid
Chacun fait pour soi, personne ne regarde personne
Mon  cœur est au pays des pitiés chrétiennes
Mon  cœur est là-bas auprès de la chaleur des miens

B. D.

Jean-Michel Charruault dans un livre de bandes dessinées : "Trélazé d'à-haut et d'à-bas", a illustré l'arrivée de Bretons à Angers-Trélazé :

BD de JM Charruault, arrivée de Bretons à  la gare d'Angers

BD

Le prêtre breton :

Religion, croyances

Les Bretons qui étaient 5 000  à Trélazé ( en France, à côté d'Angers) c'est à dire la moitié de la population de cette ville trouvaient peut-être un réconfort auprès des prêtres employés par leurs patrons (Quel était le contenu de leurs sermons en chaire ?). Dans les processions ils chantaient sur l'air du cantique de Saint Yves :

Fabrikion Angers, Mengleuzied Trélazé,

N'eo ket c'hwi 'ray deomp
troiñ kein da Zoue !
N'eo ket c'hwi 'ray deomp
troiñ kein da Zoue !

Fabriques d'Angers, Ardoisières de Trélazé,
Ce n'est pas vous qui nous ferez
tourner le dos à Dieu !


statue de Sainte Barbe au Faouët

     Au pays, d'après les prêtres interrogés par Louis Chaumeil dans les années 30, si les carriers avaient "une foi profonde en la protection de leur céleste patronne" ils ne constituaient pas "un milieu extérieurement religieux"

     Leur patronne est sainte Barbe dont la chapelle au Faouët est renommée. Mais le 4 décembre on entendait "l'Internationale" dans les banquets. Les cantiques n'étaient plus à la mode avant la dernière guerre mondiale.

En voici deux transcrits par Yeun Ar Gow pour leur publication dans le livre de L. Chaumeil.

Cantique en l'honneur de Sainte Barbe
chanté à Saint-Goazec
sur l'air de la Peste d'Elliant ou Rumengol

DISKAN
Santez Barba, hor patronez
Plijit ganeoc'h 'n ho madelezh
Pediñ evidomp Hor Salver
M'hon diwallo e pep dañjer.

 

 REFRAIN
Sainte Barbe, notre patronne,
Daignez dans votre bonté
Prier pour nous Notre Sauveur
Pour qu'il nous garde de tout danger.

 

- 1 -
Gwerc'hez ha merzherez santel
Ni 'zeu da c'houlenn ho skoazell;
Ezhomm hon deus e pep mare
Eus ho skoazell dirak Doue

 

- 1 -
Vierge et Sainte martyre,
Nous venons vous demander votre appui;
Nous avons besoin en tout temps
De votre aide devant Dieu

 

- 2 -
Alies hon deus meritet
Bezañ gant dorn Doue skoet ;
Deuit d'hor miret diouzh ar poanioù
A denn warnomp hor pec'hedoù

 

 - 2 -
Souvent nous avons mérité
D'être frappés par la main de Dieu ;
Venez nous protéger contre les peines
Qu'attirent sur nous nos péchés.

 

- 3 -
'Kreiz an arnev, pa 'z omp spontet
Gant ar gurun hag al luc'hed, 
Buan warnomp plijit astenn
Ho torn galloudus d'hon difenn.

 

 - 3 -
Au milieu de l'orage quand nous sommes effrayés
Par le tonnerre et les éclairs,
Vite sur nous daignez étendre
Votre main puissante pour nous défendre.

 

- 4 -
Peogwir ho kalloud a zo bras
Ur goulenn all a rafomp c'hoazh :
Mirit an dud hag o madoù 
Diouzh an tangwall hag e reuzioù.

 

 - 4 -
Puisque votre puissance est grande,
Nous ferons encore une demande ;
Protégez les gens et leurs biens
De l'incendie et de ses méfaits

 

- 5 -
Mirit anezho, dreist pep tra, 
Mirit anezho da gouezhañ
E kreiz an tan zo bet c'hwezhet
En ifern evit an dud daonet.

 

- 5 -
Empêchez-les par-dessus tout,
Empêchez-les de tomber
Au milieu du feu qui a été allumé
En enfer pour les damnés.

 

- 6 -
Ho pediñ a reomp c'hoazh ouzhpenn
Da ziwall ar vengleuzierien ;
Bezit en o micher dañjerus 
O fatronez trugarezus.

 

- 6 -
En outre, nous vous prions encore
De protéger les carriers ;
Soyez dans leur dangereux métier,
Leur patronne miséricordieuse.

 

- 7 -
Diouzh taolioù ar marv treitour,
O diwallit 'kreiz o labour
Warno plijit beilhañ bepred
'Vit na zegouezho droug ebet.

 

- 7 -
Des coups de la mort traîtresse,
Gardez-les dans leur travail.
Sur eux daignez veiller toujours
Afin qu'il ne leur arrive aucun mal.

 

- 8 -
Pa vo tostik fin hon amzer
Goulennit digant Hor Salver
Ma vimp maget, a-raok mervel,
Gant e gorf hag e wad santel.

 

- 8 -
Quand la fin de notre temps sera toute proche
Demandez à Notre Sauveur,
Que nous soyons nourris, avant de mourir,
De son corps et de son Saint Sang.

Cantique de Sainte Barbe, patronne des carriers
chanté à Maël-Carhaix et à Gouézec
sur l'air de Marie notre mère charitable (celui de "L'héritière de Keroulaz" du Barzhaz Breizh)

DISKAN
Ma fatronez, Santez Barba,
Ken mat 'vidon betek vremañ,
O, me ho ped, ma diwallit, 
Dreist-holl eus ar marv subit

 

REFRAIN
Ma patronne, Sainte Barbe,
Si bonne pour moi jusqu'à présent
O, je vous en prie, protégez-moi,
Surtout de la mort subite.

 

- 1 -
Me zo ur paour-kaezh mengleuzier
Tenn ha dañjerus ma micher ;
Ma fatronez, en an' Doue,
Beilhit dalc'hmat war ma buhez.

 

- 1 -
Je suis un pauvre carrier
Dont le métier est dur et dangereux ;
Ma patronne, au nom de Dieu,
Veillez constamment sur ma vie.

 

- 2 -
Pa ziskennan don er vengleuz
Ma ran, siwazh ! ur gammed treuz,
Setu me stlapet war ma fenn,
Eus ma buhez torret an neudenn.

 

- 2 -
Quand je descend profondément dans la carrière
Si je fais, par malheur, un faux pas,
Me voilà précipité sur la tête,
Et de ma vie le fil est cassé

 

- 3 -
Ar pezh am laka da grenañ
n'eo ket an dour o tiverañ :
Kalz dañjerusoc'h eo ar vein
A c'hourdrouz kouezhañ war va c'hein.

 

- 3 -
Ce qui me fait trembler
Ce n'est pas l'eau tombant goutte à goutte
Beaucoup plus dangereuses sont les pierres 
qui menacent de me tomber sur le dos

 

-  4 -
Beilhit warnon, Patronez ker,
Ma diwallit e pep dañjer ;
Pellait falc'h ar marv treitour
E-pad ma c'housk pe ma labour.

 

 -  4 -
Veillez sur moi, Chère Patronne,
Protégez moi dans tous les dangers,
Éloignez la faux de la mort traîtresse
Durant mon sommeil ou mon travail. 

 

- 5 -
D'am zro, hiriv, Santez Barba,
Me  a ra deoc'h ur bromesa :
'Hed ma buhez 'fell din tec'het
Diouzh ar vezventi milliget.

 

- 5 -
A mon tour aujourd'hui, Sainte Barbe,
Je vous fait une promesse :
Durant ma vie je veux fuir
L'ivrognerie maudite.

 

- 6 -
War ar pemdez me labouro,
Ha da sul me a ehano;
En ofer'nn e pedin Doue
Da gaout truez ouzh ma ene.

 

- 6 -
Sur la semaine, je travaillerai,
Et le dimanche je cesserai ;
A la messe je prierai Dieu
D'avoir pitié de mon âme.

 

- 7 -
Bep mintin a-raok ma devezh,
Ma fater 'lârin gant evezh ;
Ha pa vo poent mont da repoz,
'Lârin ma fedenn eus an noz.

 

- 7 -
Chaque matin, avant ma journée,
Je dirai mon Pater avec attention,
Et au moment d'aller se reposer,
Je dirai ma prière du soir.

 

- 8 -
Grit ma vevin e gwir gristen,
Ma karin Doue da viken,
Ha ma vin atav diwallet
'Hed ma buhez diouzh pep pec'hed.

 

- 8 -
Faites que je vive en vrai chrétien,
Que j'aime Dieu à jamais,
Et que je sois toujours protégé,
Durant ma vie contre tous les péchés.

 

- 9 -
Ha pa vo tost eur ar marv,
Gant ho sikour me resevo
Ma sakramantoù diwezhañ
Da vont d'an neñv da ziskuizhañ.

 

- 9 -
Et quand sera proche l'heure de ma mort,
Avec votre aide je recevrai
Mes derniers sacrements
Pour aller au ciel me reposer.

Le renouveau de l'industrie ardoisière

Pour conclure on peut dire qu'une civilisation ne se résume pas au patrimoine, fût-il bien conservé. Elle n'a de valeur que si elle est bien vivante. Peut-être que les raisons du démantèlement de l'exploitation de l'ardoise perdurent. Peut-être aussi que la situation évolue car, par bonheur, tout le monde n'a pas accepté que les ardoisières soient définitivement fermées. Le savoir professionnel des ardoisiers a été conservé. Ce n'est pas seulement une affaire de technique mais également un comportement culturel. Souhaitons leur de mener leurs projets à bien.

page précédentepage suivante